Karl Koop Konzert de Bernard Cavanna / avec orchestre

Karl Koop, le grand-père de Bernard Cavanna, à l’accordéon (vers 1925)

Karl Koop Konzer (extrait)

par Bernard Cavanna | Karl Koop Konzer

Orchestre national de Lille, direction Grant Llewellyn, soliste Pascal Contet

Album Karl Koop Konzert

L’accordéon occupe une place particulière dans mon travail. Plusieurs pièces incluent un accordéon dans leurs effectifs instrumentaux (opéras, trios, concerto pour violon…), parfois trois comme dans messe un jour ordinaire. Il est aussi dans ma mémoire. Très tôt je l’ai entendu en Allemagne, chez mon grand-père.

Il s’appelait Karl Koop.

Prisonnier de guerre en 1918 par les troupes anglaises, il eut la chance de recevoir de la Croix-Rouge un accordéon. Il apprit à en jouer seul, comme il apprit en autodidacte à déminer les plaines du Nord. Plus tard, dans les années trente, toujours au chômage, il fera vivre sa famille en animant des bals.

L’accordéon tel que nous le connaissons en France, nous vient des traditions musicales populaires d’Auvergne et d’Italie (rien à voir avec le somptueux accordéon de concert et sa littérature richement développée dans les pays Scandinaves ou dans l’ex-Urss) ; ici il fut longtemps « ringardisé », associé à l’anisette et aux tours de France  et seulement, depuis quelques années, il fait partie intégrante des disciplines enseignées au Conservatoire national supérieur de Paris.

Bien entendu, il s’agit de l’accordéon de concert. Mais dans ma mémoire, l’accordéon est surtout celui de mon grand-père, cet instrument suranné, l’accordéon rance comme disait Brel, le soufflet à punaises de Jo Privat, les superbes et inélégants accords du trois voix musette. Nous sommes alors loin des fameux accordéons de concert, des « Steinway à boutons », des Ballone Burini, Pigini, Jupiter… Aussi, lorsque Pascal Contet (accordéoniste et grand collectionneur d’accordéons) m’a demandé de lui écrire un concerto, j’ai souhaité opposer à l’orchestre un vieil et désuet instrument des années trente, un trois voix musette bien désaccordé. Sans trop me contredire, la pièce empruntera également l’accordéon traditionnel de concert.

Le clavier gauche de l’accordéon musette est très différent du « noble » accordéon : deux rangées de basses disposées en quinte (c’est-à-dire que conjointement, il est plus facile de jouer do, sol, ré, la, mi, si … que do, ré, mi, fa, sol) et trois rangées de boutons, dont chacun d’entre eux produit un accord,majeur, mineur ou septième. Le système des accords est aussi disposé en quintes. J’ai alors imaginé avant de commencer mon travail, que tous les instruments de l’orchestre bénéficiaient de la même ergonomie et donc, qu’il était plus facile pour les musiciens de jouer des traits de quintes successives plutôt que d’arpèges ou de gammes. Cette cruelle transposition n’est évidemment pas simple à gérer ! mais donne des résultats curieux, qui m’ont d’emblée séduit, en espérant ne pas  en être le seul. La partition présente différents mouvements qui s’enchaînent sans aucune interruption. Chacun d’eux s’appuie sur une des caractéristiques propres à l’instrument soliste (stéréophonie des deux claviers, souffle, modes de jeux spéciaux « bellow shake »…) et suscite des rencontres et des analogies avec l’orchestre. Chaque mouvement porte un sous-titre : musette, échos, galop, pompier, quinquin. L’instrumentation fait aussi apparaître des instruments bien inhabituels à l’orchestre comme les trompes de chasse en ré ou la cornemuse.

Ce concerto est dédié à Pascal Contet, à la mémoire de sa mère et de mon grand-père.

Bernard Cavanna